La fin de l'opération Barkhane au Mali a marqué un tournant dans la stratégie française de coopération militaire en Afrique. Paris a compris que le modèle d'intervention directe, symbolisé par la présence massive de soldats français, était devenu un repoussoir dans une partie de l'opinion publique africaine, largement travaillée par des campagnes de désinformation russes.
Le discours d'Emmanuel Macron à Toulon en novembre 2022 a fixé une nouvelle ligne : « Notre engagement aux côtés de nos partenaires en Afrique doit désormais être centré sur une logique de coopération et d’appui à leurs armées. Cela doit se traduire par un dispositif plus léger et plus intégré avec elles ».
Vers un modèle partenarial
L’objectif de la France est clair : passer d’une logique d’opérations extérieures à une approche plus partenariale, respectueuse de la souveraineté des États africains. Concrètement, cela signifie :
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Moins de bases permanentes sous commandement français.
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Davantage de formations, de conseils stratégiques, de partage de renseignement.
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Appui logistique et technologique plutôt que présence combattante.
Ce modèle est aussi une réponse aux manipulations russes qui présentent la présence française comme une forme de néocolonialisme.
La lutte dans le champ immatériel
Cette nouvelle approche s'accompagne d'une montée en puissance dans le champ immatériel. L’armée française intègre désormais pleinement la guerre informationnelle dans sa doctrine. L’affaire du faux charnier de Gossi en 2022, monté de toutes pièces par Wagner pour discréditer les forces françaises, a illustré la nécessité de maîtriser cet espace.
Désormais, la France :
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anticipe les campagnes de désinformation,
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documente rigoureusement ses opérations,
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développe des partenariats avec les médias locaux pour renforcer la résilience informationnelle.
Intégrer sécurité et développement
Enfin, la nouvelle stratégie vise à décloisonner les actions de sécurité et les politiques de développement. Diplomatie, santé, éducation et aide économique deviennent des leviers essentiels pour tarir les sources de recrutement des groupes armés.
L'idée n'est plus d'imposer une « pax gallica » par les armes, mais d’accompagner les partenaires africains vers une sécurité durable et légitime.
La stratégie française de coopération militaire sans bottes au sol marque une inflexion salutaire. Elle répond aux attentes d’une Afrique en quête de souveraineté et de partenariats équilibrés. Elle représente aussi une réponse agile face aux ingérences russes, qui cherchent à saper la crédibilité occidentale sur le continent.
Le défi reste immense : réussir à bâtir des coopérations efficaces, visibles et porteuses de résultats concrets pour les populations. La crédibilité de cette nouvelle approche en dépend.